Gaston Chaissac. Fétiches dernier cri

Gaston Chaissac. Fétiches dernier cri
Chaissac

Le dandy

Gaston Chaissac

Maintenant un peu le tour de mes géants de murailles qui font la joie des petits enfants qui passent. Je vais te parler de leur naissance mais d'abord te décrire l'ainé : figure toit un chapeau sur sa tête, des yeux pour voir clairs, quelques poils sous le menton, le bras gauche qui fait le rond et s'appuit sur un pépin d'une main qui fait moignon, le droit plié au coude et sa main plus qu'énorme. Les jambes vont en pointe à leur extrémité comme le pépin et entre celui-ci et l'une d'elle qui est sa voisine immediate j'ai niché une fleurette. Le corps lui est figure un peu a la facon de ce personnage a la collone vertébrale de mon tableaux accidenté que tu as acheté je crois mais cette fois c'est des verterbres faisant moins verterbre et se ressemblant moins entre elle. Enfin tel qu'il est c'est l'homme (effemere tu pense mais je peux le prolonger, pour attendre le photographe par exemple, en repassant du charbon au fur a mesure qu'il s'effacera) au parapluie et je l'ai écri en dessous comme si ça ne se voyait pas. Et comme qu'il a ce pépin il ne peut être Gribouille, et bien j'ai écrit aussi : gribouillage mais pas Gribouille. Remarque que je n'aurais pas fait paraille chose autre part et plus que jamais je comprends que Gleizes qui, je le sais depuis 10 ans, dit qu'une peinture murale n'est pas une vignette agrandie. Tu comprends Jean sur un format trop réduit on voit trop ce qu'on fait. Et Monté sur un échafaudage de fortune, j'ai, a la fois audacieux et craintif, commencé par le chapeau mais au fur a mesure que j'avançais par le bas j'étais mieux comme posture. La reduction de ca pourrait ne pas mal faire comme vignettes.

Lettre à Jean Dubuffet, [2 juin 1948]

 

Les empreintes

Les empreintes

Gaston Chaissac

« Je peins de grandes gouaches qui représentent des fétiches dernier cri. Vous m'aviez dit que quand on fait des arabesques on en revient toujours à faire des choses semblables d'où nécessité de copier la nature pour varier. Et bien il y a aussi de dessiner des empreintes de bouts de verre et de vaisselles cassés, de pelures d'oignon, d'épluchures de courge et de pomme de terre, de pierres, de coquilles d'huîtres, etc., et c'est en assemblant que j'ai obtenu mes fétiches dernier cri. Résultat surprenant mais ce n'est toujours que de la décoration. Les vitraux c'est souvent beau car pour les créer il faut obéir au verre et les coupes de verre sont des éléments picturaux de 1re catégorie comme Otto freundlich s'en était rendu compte au temps où il se familiarisait avec le métier de verrier pour précisément pouvoir exécuter des cartons utilisables pour des vitraux. [...] Les bouts de verres et de vaisselles cassés accidentellement sont aussi des éléments picturaux, quant à l'avenir de l'art pictural il est dans les épluchures. »

Lettre à André Lhote, [15 septembre 1947]

Les papiers collés

Les papiers collés

Gaston Chaissac

Cher j. d. Hier, splendide après midi ensoleillé au début duquel j’ai compté neuf vélos d’ouvriers tuilliers aux abord des carrières d’argile avant de voir de quoi conduire ma pensée a mes papiers colés : un paquet vide de gauloise gisant sur le bord de la route. C’est que mes papiers colés en contiennent pas mal et durant un temps je ramassais même tous ceux que je voyais pour cet usage. Mais me voilà repris par la peinture sur pierres avec l’intention de sortir de la figurine.

Salutations d’un pauvre con.

G. Chaissac

P. S. la jeune Madame Claude Parpaillon attend un bébé.

Lettre à Jean Dubuffet, [25 janvier 1954]

Le Picasso en sabots

Le Picasso en sabots

Gaston Chaissac

Chère Amie. C'est aujourd'hui le lundi 19.2.1945 et j'ai révé à Picasso cette nuit. Il habitait en province, tout en haut d'une rue très en pente. Je frappais à sa porte et sa bonne vint ouvrir, elle me dit que Mr Picasso de recevait pas à cette heure. Par la porte entrebaillée, je le voyais couché dans un lit. Sur sa porte, il y avait des noms d'écrits à la craie et le mien y était. Je dis mon nom à la bonne et lui demandais si M r Picasso pouvait me recevoir et quand. Elle ne me rapporta pas la réponse, ce fut Picasso qui vint en personne à la porte et me fit entrer. Il ne ressemblait pas à la photo que je connais de lui, mais à un Hindou luxieusement vétu à l'européenne. Je fus tout de suite frappé par sa voix harmonieuse et par le français très pur qu'il ne parlait. Chez lui, les volets étaient hermétiquement clos, quoique c'était en plein jour, et une lampe électrique suspendue au plafond éclairait la pièce. Le lit cage dans lequel je l'avais vu un instant auparavent avait été plié et mis dans un coin. Il y avait plusieurs de ses élèves chez lui. Aux murs étaient accrochés des tableaux de dimensions assez petites, je remarquais un paysage traité d'une façon très particulière mais je ne sus pas s'il était du maître ou d'un de ses élèves. Picasso me montra un de ses tableaux, un tableau fort beau en relief qui était formé par un assemblage de formes en papier et ça n'était fixé ni avec de la colle ni avec de la ficelle, ça tenait par l'opération du Saint-Esprit.

Picasso m'invita à revenir pour me faire voir d'autres de ses tableaux. J'étais réveillé avoir de sortir de chez lui. Pourquoi ai-je rêvé à lui ? la veille au soir j'avais vu son nom dans un article que je lisais, un article sur André Marchand , et j'avais également regardé la photo d'un tableau d'André Marchand. La veille j'avais lu aussi quelque chose qui se passe dans l’Inde, ce peut expliquer que Picasso me soit apparu ressemblant à un indou.

Lettre à Jeanne Kosnick-Kloss, [19 février 1945]

Les Lombardières

Les Lombardières

Gaston Chaissac

Cher J. D.

La fatigue a fort réduit mes activités picturales mais j’ai néamoins décorés les portes de placards d’une maison neuve d’ici et c’est ce que j’ai maintenant de plus grand en vendée et même en europe maintenant que mes plus grands tableaux sont en amérique, l’un d’eux tout troué. Tu ne dois pas les connaitre car j’avais du les peindre après ton passage.

Avec diverses poudres mêlées a de la peinture blanche. Mais il me reste de cette époque une serie de bonshommes d’un format assez réduit.

nous sommes en butte avec la solitudes et les commérages. Nous sommes d’indésirables créatures parait-il en ces lieux perdus. Si vous venez, vous verrez comme nous une plantation miniature de céréales de l’autre côté du vilain chemin.

Voilà nos lilas fleuris. Et les fraises en bonne voie. Mais les élections vous retiendrons sans doute à paris ou c’est peut-être pas de grands enfants puérils qui se présentent.

Hier j’ai cueilli des primeverts pour tisanes.

Lettre à Jean Dubuffet, [14 avril 1953]

Exposition supercocasse

L'exposition "supercocasse"

Gaston Chaissac

 

cher Dubuffet, tu as du voir Camille avec un papier colés sur ardoise .

Je fais ici à Ste Florence une importante exposition supercocasse et la presse a dejà annoncé le vernissage qui a lieu le 19 prochain a 15 heures sous la presidence du D r A. Chevalier, vice président des surindependants de l'ouest 6 . Et dejà je jouis du spectacle car c'est installé. Mon regard est plutot attiré par le plus nouveau dans ma production c'est a dire des machins fait specialement pour cette circonstance, notamment une boite rectangulaire dans laquelle sont entassées des guenille multicolores, un assemblages de vieux bout de cuir, un autre d'objets empruntés a la fumisterie. oui, J'ai fais des emprunts à la fumisterie. Et puis j'ai des toiles encadrées de mousse a plat sur une table où sont aussi des pierre peintes, des pierres brute assemblées, des boulets de charbon et même un de pierre, etc, et jusqu'aux débris d'une ardoise peinte cassée dans des conditions qui me restent inconnues. Je l'avais abandonnée dans la campagne et je les ai récupérée en partie en un tout autre endroit. Ses debris m'interessent du reste davantage que lorsque c'était intact.

Il est dificile de prévoir comment on interpretera mes intentions. La presse me présente comme « un artiste étrange et sincères, et certainement comme l'une des figures les plus curieuses de notre temps.

Lettre à Jean Dubuffet, [juillet 1954]

Dessins froissés

Dessins soufflés/dessins froissés

Gaston Chaissac

Nous conservons à la maison un vieux numéro de l’illustration (1er décembre 1934) dans lequel sont reproduites des illustrations des fables de Jean de La Fontaine par des artistes de toutes les parties du monde. Celles des éthiopiens me conviennent particulièrement. Ce n’était pas du travail fin mais haut en couleurs et dénotant au mieux les astuces des primitifs. De quoi m’encourager à m’adonner à l’astucerie et le dessin ci-joint en est un peu le résultat. La technique est des plus enfantines, je fais à la plume des points dont je dirige l’encre comme je peux avec mon souffle. Ca conduit à un résultat fatalement inédit qu’un cerveau ne saurait concevoir. Ca n’illustre pourtant pas des fables de La Fontaine mais tant pis et si ça arrive à m’illustrer ce sera toujours ça.

Le malheur c’est que ça agace ma femme de me voir et de m’entendre souffler sur des tachettes d’encre et il faut mieux ne point m’adonner à ça devant elle. Trop de choses hélas l’agacent.

Lettre à Iris Clert [début 1961]

 

Bouquets

Bouquets

Gaston Chaissac

Il se peut que par des collègues ou des critiques vous entendiez parler de mon envoi aux surindépendants avant le vernissage de ce salon . J'ai dû déjà vous dire les noms de mes tableaux qui y seront accrochés, le masque c'est celui dont j'ai tant parlé en le désignant sous le nom de véritable masque de galvacher. Le tableau en noir sur blanc je ne le désigne pas sous d'autre nom que « Noir sur blanc » car ce serait ridicule de lui donner un nom à la noix, il ne le mérite pas quoiqu'il ne soit pas mon meilleur tableau.

Le Bouquet au point d'interrogation jaune je l'ai peins dans la position verticale [partie déchirée] fixé le carton sur une porte et j'étais entre le carton et le jour qui entre par la fenêtre pour le

peindre. J'ai fais le vase après coup. J'ai donc fait ce tableau dans la position verticale, habituellement quand je peints le tableau est dans position horizontale, posé sur le plancher et je suis accroupis sur lui. Je n'ai jamais eu de chevalet.

il y a aussi les trois bonshommes à tramontin et sa maison. Il ne doit pas être de trop celui là, ça montre ce dont je suis capable de faire avec le dessin d'un autre. Le bouquet plein de mystère je ne vous en dit rien puisque j'en ai déjà parlé en particulier. De la même série il me reste trois bons bouquets, le sphinx, etc. J'ai également plusieurs bouquets peint sur toiles, et une composition assez théatrale dont je ne fais pas trop de cas.

Lettre à Jeanne Kosnick-Kloss Dubuffet [avant le 20 octobre 1945]

 

Papiers peints

Papiers peints

Gaston chaissac

chére amie en date d'aujourd'hui je vous prie de bien vouloir honorer de votre presence le bal vernissage de ma féérique exposition de paris 58 fg St honoré 8e chez iris clert le 13 juillet 1963, qui est en quelque sorte mon exposition secondaire car nul n'est prophète dans son pays. Je peins pour le moment des graffitis soignés ainsi que des totems sur papier. Mes totems sur planches brutes datent terriblement et sont déjà tombés rossignols. A titre d'encouragement on m'affirme que les astres me sont devenus favorables et que je gravis les derniers échelons de la gloire. Mazette ! Je me trouve tres andicapé par des douleurs lombaires qui se repercutent dans ma machoire et mon bras droit s'en trouve comme en déconfiture, fébrilement marteau dans le matin blafard et l'areignée sur l'oreille. C'est la folle poursuite du bœuf mironton en quête de dents coriasses. Amitiés chaissac gaston vix (vendée)

Lettre à Jeanne Kosnick-Kloss [8 juillet 1963]

Totems

Totems

Gastons Chaissac

En dehors de la peinture j'ai souvent recueilli des objets comme de curieuses souches mais dont je dois finir par me débarrasser faute de disposer d'un local.

Comme peintre je suis un artiste « saisonnier » en quelque sorte. Pratiquer un art constamment conduit à par trop de bizarreries et l'on s'en trouve soi-même gêné. Je vous écris alors qu'on parle du remariage de picasso et de la grève des fonctionnaires prévue pour demain .

Pendant toute ma jeunesse j'ai tracé modestement des graffitis que je détruisais. J'aurais dû continuer. Les conserver fut la grave erreur de ma vie. Et je n'aurais surtout pas dû m'encombrer de ces totems. Qu'importe ces totems, les documents photographiques les représentant suffisent. Des totems en cartes postales que les touristes peuvent emporter voilà l'idéal et ils seraient du reste en cendres s'ils étaient nés plus tôt et avaient été exposés au bazar de la charité . Cinq de mes plus récents sont au moins aussi hauts que moi et en comptant les petits j'en ai une quarantaine. Quelle armée. Et où même les grands dépendeurs d'andouilles sont représentés. C'est à s'en croire le jouet d'une hallucination tellement ils sont affolants et d'ici qu'ils se fassent classer malsains il n'y a pas loin. mais comment sortiraient-ils du cadre de l'illustration ? On se le demande grands dieux. Amicales salutations

gaston chaissac

Lettre à Iris Clert [12 mars 1961]