Voir en peinture. La jeune figuration en France

Voir en peinture. La jeune figuration en France
Ainaz Nosrat

Ainaz Nosrat

Lumière, 2020 - Nuage artificiel, 2021

Commencée en Iran, la formation artistique d’Ainaz Nosrat, s’est poursuivie à l’université de Strasbourg par un master puis une thèse en arts plastiques. Parcours riche et varié, culturellement multiple comme l’est sa peinture dans laquelle elle entrelace une mythologie personnelle à sa culture persane et française.

Lumière semble ésotérique et habité par une symbolique opposant ombre et lumière, mort et vie, dans un paysage montagneux surmonté d’un ciel tourmenté et lumineux, révélant le monde intérieur de l’artiste mais peut-être également un monde apocalyptique qui sera celui de demain. Dans l’espace de la peinture, flotte une sorte de danse macabre de squelettes d’animaux préhistoriques. Leur traitement en blanc gratté sur un fond noir s’oppose à celui lumineux du personnage qui apparaît comme une rédemption au milieu du ciel et du paysage

Laurent Proux

Laurent Proux

Paris, rue Jean Robert (2), 2022 - The River, 2022

En 2008, Laurent Proux amorce une pratique picturale en se tournant vers des lieux et des secteurs délaissés de l’histoire de l’art. Les usines de production et les taxiphones sont ses premiers sujets de prédilection, qu’il explore afin d’en recueillir les détails, tout en portant une attention particulière aux conditions sociales des individus qui côtoient ces lieux. Il octroie ainsi une position centrale à l’être humain, non pas en le représentant dans un premier temps, mais plutôt en invitant le spectateur à se projeter dans ses espaces picturaux de format important et à échelle humaine. Les années 2012-2013 marquent l’apparition de sujets ou de fragments humains au sein de ses peintures qui, désormais, portent moins sur des lieux spécifiques que sur la relation dichotomique établie entre les figures et leur environnement, oscillant entre homogénéité et rupture. Cette ambivalence réside également dans la relation ambiguë qui unit les corps représentés.

13_Clémentine Chalançon_vue_baie-strivagebleu-small

Clémentine Chalançon

Lichen/Artillerie, 2021 - Baie, 2022

Clémentine Chalançon peint des fragments de paysages : une imperfection sur un mur, des éclats de lumière, un brin de végétation, la prolifération du lichen, ou encore un bassin de poissons. Elle sélectionne parmi ses propres prises photographiques des motifs au fort potentiel pictural, qui lui permettent de poser des gestes. Elle en extrait les lignes de force pour présenter une vue autonome et relativement abstractisée du réel. À travers une esthétique de l’indétermination, un dépôt de la peinture par touches et un cadrage resserré, les peintures de Clémentine Chalançon se situent à la frontière du visible, ne cessant de se faire et de se défaire suivant notre distance de perception.

Thomas Lévy-Lasne

Thomas Lévy-Lasne

La Serre, 2022 - Plante saxicole, 2022

Thomas Lévy-Lasne peint avec précision un large éventail de sujets qui traversent son quotidien notamment des fragments de soirées parisiennes, des visiteurs de musée occupés à la contemplation, des vacanciers, le crépuscule. Les nombreuses photographies qu’il accumule persistent sous une forme latente avant d’être potentiellement traitées par le médium pictural, et en ce sens, acquérir une temporalité plus étirée. Lorsque l’artiste s’en empare, il opère dans une perspective visant à accorder à chaque élément un traitement homogène et à retranscrire leurs moindres détails, sans hiérarchie ou stylisation, s’efforçant de réduire la distance du spectateur face au sujet représenté. Pourtant, les personnages qui habitent ses tableaux sont souvent moins absorbés par le cadre dans lequel ils s’établissent que par leurs écrans. Thomas Lévy-Lasne questionne ainsi notre rapport au monde et croit au pouvoir des images et de la peinture pour toucher notre manière d’habiter le réel.

Jérémy Liron

Jérémy Liron

Sans titre (figuier), 2021-2022 - Sans titre (digue 3), 2022 - Paysage 224, 2022

Jérémy Liron peint des paysages qu’il perçoit souvent au fil de ses errances. Il les capture grâce au médium photographique, qu’il utilise comme un carnet de notes, puis leur donne une nouvelle corporalité au moyen de la peinture. Mais, Jérémy Liron ne souhaite pas atteindre une fidélité de la représentation par rapport au motif photographique, mettant en exergue sa propre vision du monde traversée par un processus de digestion l’image, ses sensations et ses souvenirs. Il accueille ainsi divers facteurs qui tendent à ébranler subtilement le réalisme, tant à l’extérieur de la toile – tels que l’imprécision de l’image, les erreurs d’impression, les plis du papier – qu’à l’intérieur – à travers un traitement irrégulier des contours, une touche visible, parfois expressive, et un remplissage lacunaire de la surface picturale.

Marine Wallon

Marine Wallon

Mantegazzia, 2020 - Herradura, 2022

Marine Wallon peint. Elle s’est mise à la peinture en 2011 après un cursus à l’école des beaux-arts de Paris où elle a surtout approché d’autres techniques : lithographie, dessin, gouache (dans les ateliers de François Boisrond et Philippe Cognée).
Lors de sa résidence en 2008 à la School of the Museum of Fine Arts à Boston, elle expérimente l’immensité des paysages américains et l’impossibilité de les représenter. Impossibilité qu’elle affronte depuis, car sa peinture est résolument une peinture de paysage dans laquelle la figure humaine est souvent réduite à une présence anonyme, comme un étalon des espaces qu’elle représente.

Mireille Blanc, Peau

Mireille Blanc

Peau, 2021 - Gant, 2021

Les peintures de Mireille Blanc sont des images hors du temps. L’artiste extrait ses sujets d’albums de famille, personnels ou anonymes, glanés aux puces, ou bien photographie autour d’elle des arrangements de choses qui retiennent son regard. Elle traque les situations et les objets apparemment banals ou au contraire plutôt kitsch, à la recherche d’une certaine étrangeté qu’elle entretient, voire exacerbe dans sa peinture. Tout part du motif choisi avec attention, de l’image source, souvent de piètre qualité, qu’elle recadre et retouche comme un photographe à l’aide des outils numériques. L’artiste affectionne les effets de zoom, les gros plans, les points de vue en plongée, qui favorisent l’irruption d’une bizarrerie venant dans ses tableaux affecter la perception du sujet. L’artiste, loin de lisser son image, de lui conférer une valeur mimétique, en accuse au contraire les détails, en souligne les imperfections, reprend les rapports de couleur. En bref, elle révèle l’artifice. En un jeu de mise en abyme, par les moyens de la peinture, du réel vu par le filtre de la photographie, elle-même imprimée, détournée, voire abîmée, elle impose une mise à distance du modèle qui laisse parler la matière.

Le jour avant le premier confinement de la France(1)

Shu Rui

Fruits, légumes exotiques, 2021 - Le jour avant le premier confinement de la France, 2020 - Crise alimentaire, 2022

Depuis sa sortie des beaux-arts de Limoges, Shu Rui peint des séries d’œuvres sur des thèmes différents : des peintures à l’aquarelle ou à la gouache sur papier portant sur des sujets issus de vidéos qu’elle regarde sur YouTube, telles que Manger, Se maquiller ou provenant de films ou séries télévisées, comme Contempler. Ces dessins sont remarquables par leur réalisme cru et la vision qu’elle nous donne de certaines pratiques étranges liées aux réseaux sociaux, aux nombreux tutoriels et autres vidéos. Ces dessins grotesques évoquent certains Caprichos de Goya et leurs satires de la société dans lesquels le peintre ridiculise le comportement de ses congénères.

Cherkit

Mathieu Cherkit

Le Complot, 2022 - Equilibre, 2022

« Obsession » pourrait être le titre d’une peinture de Mathieu Cherkit. Car ses œuvres, qui relèvent très majoritairement de la scène de genre, baignent dans une atmosphère étrange évoquant parfois celle d’un film d’horreur. Le décor pourtant est d’une banalité crasse. Tout jeune, son diplôme à peine en poche, l’artiste s’est donné comme contrainte de ne rien peindre d’autre que sa propre maison. Pendant près de dix ans, il a ainsi représenté sous toutes les coutures la chambre, l’atelier, le jardin de la maison familiale de Saint-Cloud et, last but not least, le vestibule avec son escalier. L’escalier, motif de prédilection de l’artiste, est en soi un motif propice au vertige et au suspense. Voilà qui ne doit pas déplaire à l’artiste qui, une fois débarrassé du prétexte du sujet, peut se concentrer sur les effets de sa peinture. La lumière, capitale, est au centre de ses compositions. C’est elle qui définit l’ambiance, aguicheuse ou mystérieuse. La palette va de concert : vive et acidulée, elle résiste à toute tentation mimétique. La construction leur emboîte le pas, avec ses perspectives chavirantes et ses combinaisons alambiquées.